Tropique du Cancer

Publié le par Bifsteak

tropique-du-cancer.jpg"Dans chaque station de métro, il y a des masques grimaçants qui vous accueillent avec: "Défendez-vous contre la syphilis!" Partout où il y a des murs, il y a des affiches avec d'éclatants crabes venimeux qui prophétisent l'arrivée du cancer. Où que vous alliez, quoi que vous trouviez, il y a le cancer et la syphilis. C'est écrit dans le ciel; cela danse et flamboie comme un présage sinistre. Nos âmes en sont rongées, et nous ne sommes rien d'autre qu'un monde mort comme la lune."

Tropique du cancer, Henry Miller, 1934.

Henry Miller se met en scène dans ce premier volet autobiographique qu'est le Tropique du cancer. Dans un style grinçant, souvent ironique, il décrit les premières années de sa vie d'écrivain, depuis son arrivée à Paris jusqu'à son périple à Dijon. En filigrane se dessine la figure de sa seconde épouse, June, restée aux Etats-Unis. June Miller était une femme d'un charisme époustouflant, qui fut admirée de Miller et d'Anaïs Nin, pour sa grande beauté et pour le mystère et le voile de mensonges derrière lequel elle se dissimulait. Elle enragea en lisant le portrait fait d'elle dans Tropique… qui est toutefois bien moins cruel que ce qui ressort des conversations entre Miller et Nin, retranscrites dans le Journal de celle-ci.

Le titre de ce livre peut paraître bien hermétique. C'est qu'Henry Miller entretint avec Anaïs Nin une passion pour l'astrologie. Ce qui le conduisit parfois dans des analyses plus qu'hasardeuses, comme celle qu'il écrit à Nice en juin 1939 : "Et puis - je lis Nostradamus ! Me fait dresser les cheveux sur la tête. J'y crois à fond. Vous devez le lire. Je peux compter sur mes intuitions, sûr. Paris sera détruit - la nuit, par un bombardement. Les Allemands enfonceront la ligne Maginot. Poitiers verra leur défaite! Défaite grave. Puis un roi de France - en Avignon. La France plus grande que jamais, alliée à l'Espagne. La guerre éclatera d'abord entre l'Allemagne et l'Italie. L'Italie sera balayée. Et l'Angleterre perdra toute sa puissance. Me paraît juste". Une révolutionnaire histoire politique! Henry Miller justifie ainsi le choix de son titre:

"Pour moi Cancer veut dire Crabe, comme le savaient les sages chinois - la créature qui peut se mouvoir dans toutes les directions. C'est le signe du Zodiaque attribué au poète - station intermédiaire dans le cercle de la réalisation, qui change quand on arrive à la constellation Libra. En face du Cancer (les extrêmes de l'équinoxe - points pivots) se trouve le Capricorne, la maison où je suis né, qui est religieuse et représente la renaissance dans la mort. Le Cancer signifie aussi pour moi la maladie de la civilisation, le point de réalisation à l'extrême de la mauvaise route - d'où la nécessité de changer de course et de recommencer depuis le début. La doctrine nietzschéenne de l'éternel retour est aussi, d'une manière plus profonde, l'essence du bouddhisme: le Cancer est alors l'apogée de la mort dans la vie, comme le Capricorne est celui de la vie dans la mort. Les deux symboles se retrouvent dans la géographie en tant que tropiques (un autre mot pour hiéroglyphe), le Cancer étant au-dessus de l'équateur et le Capricorne dessous. J'essaye moi-même, comme je l'ai souvent dit dans mes livres, de suivre le mince cheveu qui les sépare. Une ligne imaginaire - car la réalité ne connaît pas de frontières."

Lettres à Anaïs Nin, Henry Miller, 1934-1946.

Quant au Tropique du Capricorne, jetez un oeil par là... 

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B
Oui, j'ai vu ça... J'attends avec impatience, et puis je le mettrai ici en lien , pour la suite des tropiques... A bientôt!
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B
OK, avec plaisir! A bientôt...
S
Tant d'articles en stock sur mon blog que les TROPIQUES DU CAPRICORNE tardent à etre publiées... mais ce sera pour bientot... :-)SysT
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