Je peux revoir les trottoirs de mon enfance, ces oubliés. Pas de macadam, pas de bitume, pas d'ouvrier pour en prendre soin. Pas foulés par les hommes du centre qui s'en fouttaient bien de mon quartier. Dans le gravier, quelle crasse, des bouts de bras de poupées cassées, on y trouvait au hasard, les meilleurs jours seulement, des centimes perdus ou qu'une quelconque paresse avait laissé là, des billes parfois ou des fossiles mais surtout du caillou et de la brindille. Avec la pluie une boue noire de terre cendreuse. Des rigoles. Des sédiments. En couches. Comme un bord de mer vaseux. L'été de la poussière sans doute je ne m'en souviens pas très bien. Ce qu'il y a c'est qu'en hiver les lacets trempent dans la boue c'est dégueulasse, ils pendouillent, loqueteux. Ces trottoirs longeaient de grands murs aux fenêtres grillagées. A l'ombre de la vieille caserne, ils étaient garantis d'être protégés du soleil.
