Archive 7

Daniel. Dany. Dino. Dinette. Je préfère encore Dany. Le milieu des affaires est un drôle de milieu. Y a toujours un connard pour te balancer un surnom ridicule. Avec le sourire évidemment. Le sourire que j’ai pas aujourd’hui, sac à merde, si tu m’appelles pas correctement. Je suis pas d’humeur. Avec les comprimés d’éphédra et la ligne de coc que je me suis fourrée dans le pif, je me sens prêt à tout. A rouler pendant des heures, sans fermer l’œil. Faut juste songer à se détendre mon garçon, que je me dis comme ça. Y a mes doigts qui dansent la gigue sur le volant du break. Elle pue cette bagnole. Elle pue le chien. Même le sapin vert qui pendouille au rétro pue moins que cette bagnole. Y a rien à y faire à part rouler les vitres ouvertes. Bon, dans un quart d’heure, Papy et moi on est en route pour le sud. Dans cette merco blanche. Merde, la classe ! Avec un bon paquet de pognon. Je laisse le moteur tourner pour le moment. Devant moi, y a Papy. Il tient le chien au bout de sa laisse. Ils sont tranquilles tous les deux. On dirait un vieux couple. Les clients nous ont fixé rendez-vous sur le port, qui ressemble à un cimetière d’éléphants mécaniques. Au cas où, je sors mon flingue de sa planque et le fous dans la poche de mon blouson. Juste au cas où. J’enlève pas la sécu, ce serait couillon. On n’a jamais eu de problème, Papy a toujours su y faire avec sa langue pour nous éviter les emmerdes, mais on ne sait jamais. Là, c’est un gros coup. Ça y est, les voilà.

En face, ils ont un utilitaire. Ils ont prévu le truc, c’est bien pensé le C15. Deux types en descendent. Ils ont l’air de caïds, ils ont le regard rudement bien travaillé. Ils feraient peur à leur propre maman, les cons. L’un d’eux porte un sac de sport. Putain, les fumiers, ils auraient pu dégoter un emballage plus classe pour le pognon, genre attaché-case, histoire de faire pro. Et puis, ça peut resservir. Dans les affaires. Y en a un qui vient vers moi, avec le fric. Il pose le sac pas loin. Je descends de la caisse, les mains dans les poches de mon blouson. OK, message reçu les gars ? ça veut dire que j’ai un flingue. Je vais jusqu’au sac, je l’ouvre. J’estime que ça fait le compte. Un beau paquet. Je prends le sac et le jette sur la banquette arrière et puis je me remets au volant. Pendant ce temps, Papy a refilé la laisse au deuxième gorille, qui a l’air de s’y connaître en clebs. Il l’emmène dans le C15. Papy revient. Il ouvre la portière. Je lui fais comme ça C’est pas ce qu’on avait convenu en lui montrant le fric. Et puis je rigole et il se détend. Il me dit Pauvre con et il met sa ceinture en rigolant aussi. Allez, on file. Le C15 vient de partir. Nous, on est aux anges.